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Victor Hugo

Aux morts du 4 décembre

Jouissez du repos que vous donne le maître.
Vous étiez autrefois des coeurs troublés peut-être,
Qu'un vain songe poursuit ;
L'erreur vous tourmentait, ou la haine, ou l'envie ;
Vos bouches, d'où sortait la vapeur de la vie,
Étaient pleines de bruit.

Faces confusément l'une à l'autre apparues,
Vous alliez et veniez en foule dans les rues,
Ne vous arrêtant pas,
Inquiets comme l'eau qui coule des fontaines,
Tous, marchant au hasard, souffrant les mêmes peines,
Mêlant les mêmes pas.

Peut-être un feu creusait votre tête embrasée,
Projets, espoirs, briser l'homme de l'Élysée,
L'homme du Vatican,
Verser le libre esprit à grands flots sur la terre ;
Car dans ce siècle ardent toute âme est un cratère
Et tout peuple un volcan.

Vous aimiez, vous aviez le coeur lié de chaînes,
Et le soir vous sentiez, livrés aux craintes vaines,
Pleins de soucis poignants,
Ainsi que l'océan sent remuer ses ondes,
Se soulever en vous mille vagues profondes
Sous les cieux rayonnants.

Tous, qui que vous fussiez, tête ardente, esprit sage,
Soit qu'en vos yeux brillât la jeunesse, ou que l'âge
Vous prît et vous courbât,
Que le destin pour vous fût deuil, énigme ou fête,
Vous aviez dans vos coeurs l'amour, cette tempête,
La douleur, ce combat.

Grâce au quatre décembre, aujourd'hui, sans pensée,
Vous gisez étendus dans la fosse glacée
Sous les linceuls épais ;
Ô morts, l'herbe sans bruit croît sur vos catacombes,
Dormez dans vos cercueils ! taisez-vous dans vos tombes !
L'empire, c'est la paix.

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L’Invention

O fils du Mincius, je te salue, ô toi
Par qui le dieu des arts fut roi du peuple-roi!
Et vous, à qui jadis, pour créer l'harmonie,
L'Attique et l'onde Égée, et la belle Ionie,
Donnèrent un ciel pur, les plaisirs, la beauté,
Des moeurs simples, des lois, la paix, la liberté,
Un langage sonore aux douceurs souveraines,
Le plus beau qui soit né sur des lèvres humaines!
Nul âge ne verra pâlir vos saints lauriers,
Car vos pas inventeurs ouvrirent les sentiers;
Et du temple des arts que la gloire environne
Vos mains ont élevé la première colonne.
A nous tous aujourd'hui, vos faibles nourrissons,
Votre exemple a dicté d'importantes leçons.
Il nous dit que nos mains, pour vous être fidèles,
Y doivent élever des colonnes nouvelles.
L'esclave imitateur naît et s'évanouit;
La nuit vient, le corps reste, et son ombre s'enfuit.

Ce n'est qu'aux inventeurs que la vie est promise.
Nous voyons les enfants de la fière Tamise,
De toute servitude ennemis indomptés;
Mieux qu'eux, par votre exemple, à vous vaincre excités,
Osons; de votre gloire éclatante et durable
Essayons d'épuiser la source inépuisable.
Mais inventer n'est pas, en un brusque abandon,
Blesser la vérité, le bon sens, la raison;
Ce n'est pas entasser, sans dessein et sans forme,
Des membres ennemis en un colosse énorme;
Ce n'est pas, élevant des poissons dans les airs,
A l'aile des vautours ouvrir le sein des mers;
Ce n'est pas sur le front d'une nymphe brillante
Hérisser d'un lion la crinière sanglante:
Délires insensés! fantômes monstrueux!
Et d'un cerveau malsain rêves tumultueux!
Ces transports déréglés, vagabonde manie,
Sont l'accès de la fièvre et non pas du génie;
D'Ormus et d'Ariman ce sont les noirs combats,
Où, partout confondus, la vie et le trépas,
Les ténèbres, le jour, la forme et la matière,
Luttent sans être unis; mais l'esprit de lumière
Fait naître en ce chaos la concorde et le jour:
D'éléments divisés il reconnaît l'amour,
Les rappelle; et partout, en d'heureux intervalles,
Sépare et met en paix les semences rivales.
Ainsi donc, dans les arts, l'inventeur est celui
Qui peint ce que chacun put sentir comme lui;
Qui, fouillant des objets les plus sombres retraites,
Étale et fait briller leurs richesses secrètes;
Qui, par des noeuds certains, imprévus et nouveaux,

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Victor Hugo

A des oiseaux envolés

Enfants ! - Oh ! revenez ! Tout à l'heure, imprudent,
Je vous ai de ma chambre exilés en grondant,
Rauque et tout hérissé de paroles moroses.
Et qu'aviez-vous donc fait, bandits aux lèvres roses ?
Quel crime ? quel exploit ? quel forfait insensé ?
Quel vase du Japon en mille éclats brisé ?
Quel vieux portrait crevé ? Quel beau missel gothique
Enrichi par vos mains d'un dessin fantastique ?
Non, rien de tout cela. Vous aviez seulement,
Ce matin, restés seuls dans ma chambre un moment,
Pris, parmi ces papiers que mon esprit colore,
Quelques vers, groupe informe, embryons près d'éclore,
Puis vous les aviez mis, prompts à vous accorder,
Dans le feu, pour jouer, pour voir, pour regarder
Dans une cendre noire errer des étincelles,
Comme brillent sur l'eau de nocturnes nacelles,
Ou comme, de fenêtre en fenêtre, on peut voir
Des lumières courir dans les maisons le soir.

Voilà tout. Vous jouiez et vous croyiez bien faire.

Belle perte, en effet ! beau sujet de colère !
Une strophe, mal née au doux bruit de vos jeux,
Qui remuait les mots d'un vol trop orageux !
Une ode qui chargeait d'une rime gonflée
Sa stance paresseuse en marchant essoufflée !
De lourds alexandrins l'un sur l'autre enjambant
Comme des écoliers qui sortent de leur banc !
Un autre eût dit : - Merci ! Vous ôtez une proie
Au feuilleton méchant qui bondissait de joie
Et d'avance poussait des rires infernaux
Dans l'antre qu'il se creuse au bas des grands journaux. -
Moi, je vous ai grondés. Tort grave et ridicule !

Nains charmants que n'eût pas voulu fâcher Hercule,
Moi, je vous ai fait peur. J'ai, rêveur triste et dur,
Reculé brusquement ma chaise jusqu'au mur,
Et, vous jetant ces noms dont l'envieux vous nomme,
J'ai dit : - Allez-vous-en ! laissez-moi seul ! - Pauvre homme !
Seul ! le beau résultat ! le beau triomphe ! seul !
Comme on oublie un mort roulé dans son linceul,
Vous m'avez laissé là, l'oeil fixé sur ma porte,
Hautain, grave et puni. - Mais vous, que vous importe !
Vous avez retrouvé dehors la liberté,
Le grand air, le beau parc, le gazon souhaité,
L'eau courante où l'on jette une herbe à l'aventure,
Le ciel bleu, le printemps, la sereine nature,
Ce livre des oiseaux et des bohémiens,
Ce poème de Dieu qui vaut mieux que les miens,
Où l'enfant peut cueillir la fleur, strophe vivante,

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Le paradis

Des buissons lumineux fusaient comme des gerbes ;
Mille insectes, tels des prismes, vibraient dans l'air ;
Le vent jouait avec l'ombre des lilas clairs,
Sur le tissu des eaux et les nappes de l'herbe.
Un lion se couchait sous des branches en fleurs ;
Le daim flexible errait là-bas, près des panthères ;
Et les paons déployaient des faisceaux de lueurs
Parmi les phlox en feu et les lys de lumière.
Dieu seul régnait sur terre et seul régnait aux cieux.
Adam vivait captif en des chaînes divines ;
Eve écoutait le chant menu des sources fines,
Le sourire du monde habitait ses beaux yeux ;
Un archange tranquille et pur veillait sur elle
Et, chaque soir, quand se dardaient, là-haut, les ors,
Pour que la nuit fût douce au repos de son corps,
L'archange endormait Eve au creux de sa grande aile.

Avec de la rosée au vallon de ses seins,
Eve se réveillait, candidement, dans l'aube ;
Et l'archange séchait aux clartés de sa robe
Les longs cheveux dont Eve avait empli sa main.
L'ombre se déliait de l'étreinte des roses
Qui sommeillaient encore et s'inclinaient là-bas ;
Et le couple montait vers les apothéoses
Que le jardin sacré dressait devant ses pas.
Comme hier, comme toujours, les bêtes familières
Avec le frais soleil dormaient sur les gazons ;
Les insectes brillaient à la pointe des pierres
Et les paons lumineux rouaient aux horizons ;
Les tigres clairs, auprès des fleurs simples et douces,
Sans les blesser jamais, posaient leurs mufles roux ;
Et les bonds des chevreuils, dans l'herbe et sur la mousse,
S'entremêlaient sous le regard des lions doux ;
Rien n'avait dérangé les splendeurs de la veille.
C'était le même rythme unique et glorieux,
Le même ordre lucide et la même merveille
Et la même présence immuable de Dieu.

II

Pourtant, après des ans et puis des ans, un jour,
Eve sentit son âme impatiente et lasse
D'être à jamais la fleur sans sève et sans amour
D'un torride bonheur, monotone et tenace ;
Aux cieux planait encor l'orageuse menace
Quand le désir lui vint d'en éprouver l'éclair.
Un large et doux frisson glissa dès lors sur elle
Et, pour le ressentir jusqu'au fond de sa chair,
Eve, contre son coeur, serrait ses deux mains frêles.
L'archange, avec angoisse, interrogeait, la nuit,

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Victor Hugo

A Villequier

Maintenant que Paris, ses pavés et ses marbres,
Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ;
Maintenant que je suis sous les branches des arbres,
Et que je puis songer à la beauté des cieux ;

Maintenant que du deuil qui m'a fait l'âme obscure
Je sors, pâle et vainqueur,
Et que je sens la paix de la grande nature
Qui m'entre dans le cœur ;

Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,
Emu par ce superbe et tranquille horizon,
Examiner en moi les vérités profondes
Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;

Maintenant, ô mon Dieu ! que j'ai ce calme sombre
De pouvoir désormais
Voir de mes yeux la pierre où je sais que dans l'ombre
Elle dort pour jamais ;

Maintenant qu'attendri par ces divins spectacles,
Plaines, forêts, rochers, vallons, fleuve argenté,
Voyant ma petitesse et voyant vos miracles,
Je reprends ma raison devant l'immensité ;

Je viens à vous, Seigneur, père auquel il faut croire ;
Je vous porte, apaisé,
Les morceaux de ce cœur tout plein de votre gloire
Que vous avez brisé ;

Je viens à vous, Seigneur ! confessant que vous êtes
Bon, clément, indulgent et doux, ô Dieu vivant !
Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,
Et que l'homme n'est rien qu'un jonc qui tremble au vent ;

Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme
Ouvre le firmament ;
Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le terme
Est le commencement ;

Je conviens à genoux que vous seul, père auguste,
Possédez l'infini, le réel, l'absolu ;
Je conviens qu'il est bon, je conviens qu'il est juste
Que mon cœur ait saigné, puisque Dieu l'a voulu !

Je ne résiste plus à tout ce qui m'arrive
Par votre volonté.
L'âme de deuils en deuils, l'homme de rive en rive,
Roule à l'éternité.

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Hermes

FRAGMENT I.--PROLOGUE.

Dans nos vastes cités, par le sort partagés,
Sous deux injustes lois les hommes sont rangés:
Les uns, princes et grands, d'une avide opulence
Étalent sans pudeur la barbare insolence;
Les autres, sans pudeur, vils clients de ces grands,
Vont ramper sous les murs qui cachent leurs tyrans.
Admirer ces palais aux colonnes hautaines
Dont eux-mêmes ont payé les splendeurs inhumaines,
Qu'eux-mêmes ont arrachés aux entrailles des monts,
Et tout trempés encor des sueurs de leurs fronts.

Moi, je me plus toujours, client de la nature,
A voir son opulence et bienfaisante et pure,
Cherchant loin de nos murs les temples, les palais
Où la Divinité me révèle ses traits,
Ces monts, vainqueurs sacrés des fureurs du tonnerre,
Ces chênes, ces sapins, premiers-nés de la terre.
Les pleurs des malheureux n'ont point teint ces lambris.
D'un feu religieux le saint poète épris
Cherche leur pur éther et plane sur leur cime.
Mer bruyante, la voix du poète sublime
Lutte contre les vents; et tes flots agités
Sont moins forts, moins puissants que ses vers indomptés.
A l'aspect du volcan, aux astres élancée,
Luit, vole avec l'Etna, la bouillante pensée.
Heureux qui sait aimer ce trouble auguste et grand!
Seul, il rêve en silence à la voix du torrent
Qui le long des rochers se précipite et tonne;
Son esprit en torrent et s'élance et bouillonne.
Là, je vais dans mon sein méditant à loisir
Des chants à faire entendre aux siècles à venir;
Là, dans la nuit des coeurs qu'osa sonder Homère,
Cet aveugle divin et me guide et m'éclaire.
Souvent mon vol, armé des ailes de Buffon,
Franchit avec Lucrèce, au flambeau de Newton,
La ceinture d'azur sur le globe étendue.
Je vois l'être et la vie et leur source inconnue,
Dans les fleuves d'éther tous les mondes roulants.
Je poursuis la comète aux crins étincelants,
Les astres et leurs poids, leurs formes, leurs distances;
Je voyage avec eux dans leurs cercles immenses.
Comme eux, astre, soudain je m'entoure de feux;
Dans l'éternel concert je me place avec eux:
En moi leurs doubles lois agissent et respirent:
Je sens tendre vers eux mon globe qu'ils attirent;
Sur moi qui les attire ils pèsent à leur tour.
Les éléments divers, leur haine, leur amour,
Les causes, l'infini s'ouvre à mon oeil avide.

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Victor Hugo

A propos d'Horace

Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues!
Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !
Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété,
Vous niez l'idéal, la grâce et la beauté !
Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles !
Car, avec l'air profond, vous êtes imbéciles !
Car vous enseignez tout, et vous ignorez tout !
Car vous êtes mauvais et méchants ! -- Mon sang bout
Rien qu'à songer au temps où, rêveuse bourrique,
Grand diable de seize ans, j'étais en rhétorique !
Que d'ennuis ! de fureurs ! de bêtises ! -- gredins ! --
Que de froids châtiments et que de chocs soudains !
«Dimanche en retenue et cinq cents vers d'Horace !»
Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse,
Et je balbutiais : «Monsieur... -- Pas de raisons !
Vingt fois l'ode à Panclus et l'épître aux Pisons !»
Or j'avais justement, ce jour là, -- douce idée
Qui me faisait rêver d'Armide et d'Haydée, --
Un rendez-vous avec la fille du portier.
Grand Dieu ! perdre un tel jour ! le perdre tout entier !
Je devais, en parlant d'amour, extase pure !
En l'enivrant avec le ciel et la nature,
La mener, si le temps n'était pas trop mauvais,
Manger de la galette aux buttes Saint-Gervais !
Rêve heureux ! je voyais, dans ma colère bleue,
Tout cet Éden, congé, les lilas, la banlieue,
Et j'entendais, parmi le thym et le muguet,
Les vagues violons de la mère Saguet !
O douleur ! furieux, je montais à ma chambre,
Fournaise au mois de juin, et glacière en décembre ;
Et, là, je m'écriais :

-- Horace ! ô bon garçon !
Qui vivais dans le calme et selon la raison,
Et qui t'allais poser, dans ta sagesse franche,
Sur tout, comme l'oiseau se pose sur la branche,
Sans peser, sans rester, ne demandant aux dieux
Que le temps de chanter ton chant libre et joyeux !
Tu marchais, écoutant le soir, sous les charmilles,
Les rires étouffés des folles jeunes filles,
Les doux chuchotements dans l'angle obscur du bois ;
Tu courtisais ta belle esclave quelquefois,
Myrtale aux blonds cheveux, qui s'irrite et se cabre
Comme la mer creusant les golfes de Calabre,
Ou bien tu t'accoudais à la table, buvant sec
Ton vin que tu mettais toi-même en un pot grec.
Pégase te soufflait des vers de sa narine ;
Tu songeais; tu faisais des odes à Barine,
A Mécène, à Virgile, à ton champ de Tibur,
A Chloë, qui passait le long de ton vieux mur,

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Le Mendiant

C'était quand le printemps a reverdi les prés.
La fille de Lycus, vierge aux cheveux dorés,
Sous les monts Achéens, non loin de Cérynée,

Errait à l'ombre, aux bords du faible et pur Crathis,
Car les eaux du Crathis, sous des berceaux de frêne,
Entouraient de Lycus le fertile domaine.
Soudain, à l'autre bord,
Du fond d'un bois épais, un noir fantôme sort,
Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée:
Il remuait à peine une lèvre glacée,
Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours;
Il se traîne, il n'attend qu'une mort douloureuse;
Il succombe. L'enfant, interdite et peureuse,
A ce hideux aspect sorti du fond des bois,
Veut fuir; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux; il lui crie
Qu'au nom de tous les dieux il la conjure, il prie,
Et qu'il n'est point à craindre, et qu'une ardente faim
L'aiguillonne et le tue, et qu'il expire enfin.

'Si, comme je le crois, belle dès ton enfance,
C'est le dieu de ces eaux qui t'a donné naissance,
Nymphe, souvent les voeux des malheureux humains
Ouvrent des immortels les bienfaisantes mains,
Ou si c'est quelque front porteur d'une couronne
Qui te nomme sa fille et te destine au trône,
Souviens-toi, jeune enfant, que le ciel quelquefois
Venge les opprimés sur la tête des rois.
Belle vierge, sans doute enfant d'une déesse,
Crains de laisser périr l'étranger en détresse:
L'étranger qui supplie est envoyé des dieux.'

Elle reste. A le voir, elle enhardit ses yeux,
. . . . . . . . et d'une voix encore
Tremblante: 'Ami, le ciel écoute qui l'implore.
Mais ce soir, quand la nuit descend sur l'horizon,
Passe le pont mobile, entre dans la maison;
J'aurai soin qu'on te laisse entrer sans méfiance.
Pour la douzième fois célébrant ma naissance,
Mon père doit donner une fête aujourd'hui.
Il m'aime, il n'a que moi: viens t'adresser à lui,
C'est le riche Lycus. Viens ce soir; il est tendre,
Il est humain: il pleure aux pleurs qu'il voit répandre.'
Elle achève ces mots, et, le coeur palpitant,
S'enfuit; car l'étranger sur elle, en l'écoutant,
Fixait de ses yeux creux l'attention avide.
Elle rentre, cherchant dans le palais splendide
L'esclave près de qui toujours ses jeunes ans

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Victor Hugo

Aux proscrits

EN PLANTANT LE CHÊNE DES ÉTATS-UNIS D'EUROPE

DANS LE JARDIN DE HAUTEVILLE HOUSE

LE 14 JUILLET 1870


I

Semons ce qui demeure, ô passants que nous sommes !
Le sort est un abîme, et ses flots sont amers,
Au bord du noir destin, frères, semons des hommes,
Et des chênes au bord des mers !

Nous sommes envoyés, bannis, sur ce calvaire,
Pour être vus de loin, d'en bas, par nos vainqueurs,
Et pour faire germer par l'exemple sévère
Des coeurs semblables à nos coeurs.

Et nous avons aussi le devoir, ô nature,
D'allumer des clartés sous ton fauve sourcil,
Et de mettre à ces rocs la grande signature
De l'avenir et de l'exil.

Sachez que nous pouvons faire sortir de terre
Le chêne triomphal que l'univers attend,
Et faire frissonner dans son feuillage austère
L'idée au sourire éclatant.

La matière aime et veut que notre appel l'émeuve ;
Le globe est sous l'esprit, et le grand verbe humain
Enseigne l'être, et l'onde, et la sève, et le fleuve,
Qui lui demandent leur chemin.

L'homme, quand il commande aux flots de le connaître,
Aux mers de l'écouter dans le bruit qu'elles font,
A la terre d'ouvrir son flanc, aux temps de naître,
Est un mage immense et profond.

Ayons foi dans ce germe ! Amis, il nous ressemble.
Il sera grand et fort, puisqu'il est faible et nu.
Nous sommes ses pareils, bannis, nous en qui tremble
Tout un vaste monde inconnu !

Nous fûmes secoués d'un arbre formidable,
Un soir d'hiver, à l'heure où le monde est puni,
Nous fûmes secoués, frères, dans l'insondable,
Dans l'ouragan, dans l'infini.

Chacun de nous contient le chêne République ;

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A Le Brun Et Au Marquis De Brazais

Le Brun, qui nous attends aux rives de la Seine,
Quand un destin jaloux loin de toi nous enchaîne;
Toi, Brazais, comme moi sur ces bords appelé,
Sans qui de l'univers je vivrais exilé;
Depuis que de Pandore un regard téméraire
Versa sur les humains un trésor de misère,
Pensez-vous que du ciel l'indulgente pitié
Leur ait fait un présent plus beau que l'amitié?

Ah! si quelque mortel est né pour la connaître.
C'est nous, âmes de feu, dont l'Amour est le maître.
Le cruel trop souvent empoisonne ses coups;
Elle garde à nos coeurs ses baumes les plus doux.
Malheur au jeune enfant seul, sans ami, sans guide,
Qui près de la beauté rougit et s'intimide,
Et, d'un pouvoir nouveau lentement dominé,
Par l'appât du plaisir doucement entraîné,
Crédule, et sur la foi d'un sourire volage,
A cette mer trompeuse et se livre et s'engage!
Combien de fois, tremblant et les larmes aux yeux,
Ses cris accuseront l'inconstance des dieux!
Combien il frémira d'entendre sur sa tête
Gronder les aquilons et la noire tempête,
Et d'écueils en écueils portera ses douleurs
Sans trouver une main pour essuyer ses pleurs!
Mais heureux dont le zèle, au milieu du naufrage,
Viendra le recueillir, le pousser au rivage;
Endormir dans ses flancs le poison ennemi;
Réchauffer dans son sein le sein de son ami,
Et de son fol amour étouffer la semence,
Ou du moins dans son coeur ranimer l'espérance!
Qu'il est beau de savoir, digne d'un tel lien,
Au repos d'un ami sacrifier le sien!
Plaindre de s'immoler l'occasion ravie,
Être heureux de sa joie et vivre de sa vie!

Si le ciel a daigné d'un regard amoureux
Accueillir ma prière et sourire à mes voeux,
Je ne demande point que mes sillons avides
Boivent l'or du Pactole et ses trésors liquides;
Ni que le diamant, sur la pourpre enchaîné,
Pare mon coeur esclave au Louvre prosterné;
Ni même, voeu plus doux! que la main d'Uranie
Embellisse mon front des palmes du génie;
Mais que beaucoup d'amis, accueillis dans mes bras,
Se partagent ma vie et pleurent mon trépas;
Que ces doctes héros, dont la main de la Gloire
A consacré les noms au temple de Mémoire,
Plutôt que leurs talents, inspirent à mon coeur
Les aimables vertus qui firent leur bonheur;

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Victor Hugo

A ceux qui sont petits

Est-ce ma faute à moi si vous n'êtes pas grands ?
Vous aimez les hiboux, les fouines, les tyrans,
Le mistral, le simoun, l'écueil, la lune rousse ;
Vous êtes Myrmidon que son néant courrouce ;
Hélas ! l'envie en vous creuse son puits sans fond,
Et je vous plains. Le plomb de votre style fond
Et coule sur les noms que dore un peu de gloire,
Et, tout en répandant sa triste lave noire,
Tâche d'être cuisant et ne peut qu'être lourd.
Tortueux, vous rampez après tout ce qui court ;
Votre oeil furieux suit les grands aigles véloces.
Vous reprochez leur taille et leur ombre aux colosses ;
On dit de vous : - Pygmée essaya, mais ne put.-
Qui haïra Chéops si ce n'est Lilliput ?
Le Parthénon vous blesse avec ses fiers pilastres ;
Vous êtes malheureux de la beauté des astres ;
Vous trouvez l'océan trop clair, trop noir, trop bleu ;
Vous détestez le ciel parce qu'il montre Dieu ;
Vous êtes mécontents que tout soit quelque chose ;
Hélas, vous n'êtes rien. Vous souffrez de la rose,
Du cygne, du printemps pas assez pluvieux.
Et ce qui rit vous mord. Vous êtes envieux
De voir voler la mouche et de voir le ver luire.
Dans votre jalousie acharnée à détruire
Vous comprenez quiconque aime, quiconque a foi,
Et même vous avez de la place pour moi !
Un brin d'herbe vous fait grincer s'il vous dépasse ;
Vous avez pour le monde auguste, pour l'espace,
Pour tout ce qu'on voit croître, éclairer, réchauffer,
L'infâme embrassement qui voudrait étouffer.
Vous avez juste autant de pitié que le glaive.
En regardant un champ vous maudissez la sève ;
L'arbre vous plaît à l'heure où la hache le fend ;
Vous avez quelque chose en vous qui vous défend
D'être bons, et la rage est votre rêverie.
Votre âme a froid par où la nôtre est attendrie ;
Vous avez la nausée où nous sentons l'aimant ;
Vous êtes monstrueux tout naturellement.
Vous grondez quand l'oiseau chante sous les grands ormes.
Quand la fleur, près de vous qui vous sentez difformes,
Est belle, vous croyez qu'elle le fait exprès.
Quel souffle vous auriez si l'étoile était près !
Vous croyez qu'en brillant la lumière vous blâme ;
Vous vous imaginez, en voyant une femme,
Que c'est pour vous narguer qu'elle prend un amant,
Et que le mois de mai vous verse méchamment
Son urne de rayons et d'encens sur la tête ;
Il vous semble qu'alors que les bois sont en fête,
Que l'herbe est embaumée et que les prés sont doux,
Heureux, frais, parfumés, charmants, c'est contre vous.

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L'Aveugle

'Dieu dont l'arc est d'argent, dieu de Claros, écoute;
O Sminthée-Apollon, je périrai sans doute,
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant.'

C'est ainsi qu'achevait l'aveugle en soupirant,
Et près des bois marchait, faible, et sur une pierre
S'asseyait. Trois pasteurs, enfants de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents
Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants.
Ils avaient, retenant leur fureur indiscrète,
Protégé du vieillard la faiblesse inquiète;
Ils l'écoutaient de loin, et s'approchant de lui:
Quel est ce vieillard blanc, aveugle et sans appui?
Serait-ce un habitant de l'empire céleste?
Ses traits sont grands et fiers; de sa ceinture agreste
Pend une lyre informe; et les sons de sa voix
Émeuvent l'air et l'onde, et le ciel et les bois.'

Mais il entend leurs pas, prête l'oreille, espère,
Se trouble, et tend déjà les mains à la prière.
'Ne crains point, disent-ils, malheureux étranger,
Si plutôt, sous un corps terrestre et passager,
Tu n'es point quelque dieu protecteur de la Grèce,
Tant une grâce auguste ennoblit ta vieillesse!
Si tu n'es qu'un mortel, vieillard infortuné,
Les humains près de qui les flots t'ont amené
Aux mortels malheureux n'apportent point d'injures.
Les destins n'ont jamais de faveurs qui soient pures.
Ta voix noble et touchante est un bienfait des dieux;
Mais aux clartés du jour ils ont fermé tes yeux.

--Enfants, car votre voix est enfantine et tendre,
Vos discours sont prudents plus qu'on n'eût dû l'attendre;
Mais, toujours soupçonneux, l'indigent étranger
Croit qu'on rit de ses maux et qu'on veut l'outrager.
Ne me comparez point à la troupe immortelle:
Ces rides, ces cheveux, cette nuit éternelle,
Voyez, est-ce le front d'un habitant des cieux?
Je ne suis qu'un mortel, un des plus malheureux!
Si vous en savez un, pauvre, errant, misérable,
C'est à celui-là seul que je suis comparable;
Et pourtant je n'ai point, comme fit Thamyris,
Des chansons à Phoebus voulu ravir le prix;
Ni, livré comme Oedipe à la noire Euménide,
Je n'ai puni sur moi l'inceste parricide;
Mais les dieux tout-puissants gardaient à mon déclin
Les ténèbres, l'exil, l'indigence et la faim.

--Prends, et puisse bientôt changer ta destinée!'
Disent-ils. Et tirant ce que, pour leur journée,

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Confessio Amantis. Explicit Liber Primus

Incipit Liber Secundus

Inuidie culpa magis est attrita dolore,
Nam sua mens nullo tempore leta manet:
Quo gaudent alii, dolet ille, nec vnus amicus
Est, cui de puro comoda velle facit.
Proximitatis honor sua corda veretur, et omnis
Est sibi leticia sic aliena dolor.
Hoc etenim vicium quam sepe repugnat amanti,
Non sibi, set reliquis, dum fauet ipsa Venus.
Est amor ex proprio motu fantasticus, et que
Gaudia fert alius, credit obesse sibi.


Now after Pride the secounde
Ther is, which many a woful stounde
Towardes othre berth aboute
Withinne himself and noght withoute;
For in his thoght he brenneth evere,
Whan that he wot an other levere
Or more vertuous than he,
Which passeth him in his degre;
Therof he takth his maladie:
That vice is cleped hot Envie.
Forthi, my Sone, if it be so
Thou art or hast ben on of tho,
As forto speke in loves cas,
If evere yit thin herte was
Sek of an other mannes hele?
So god avance my querele,
Mi fader, ye, a thousend sithe:
Whanne I have sen an other blithe
Of love, and hadde a goodly chiere,
Ethna, which brenneth yer be yere,
Was thanne noght so hot as I
Of thilke Sor which prively
Min hertes thoght withinne brenneth.
The Schip which on the wawes renneth,
And is forstormed and forblowe,
Is noght more peined for a throwe
Than I am thanne, whanne I se
An other which that passeth me
In that fortune of loves yifte.
Bot, fader, this I telle in schrifte,
That is nowher bot in o place;
For who that lese or finde grace
In other stede, it mai noght grieve:
Bot this ye mai riht wel believe,
Toward mi ladi that I serve,
Thogh that I wiste forto sterve,

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Guillaume Apollinaire

La maison des morts

S'étendant sur les côtés du cimetière
La maison des morts l'encadrait comme un cloître
A l'intérieur de ses vitrines
Pareilles à celles des boutiques de modes
Au lieu de sourire debout
Les mannequins grimaçaient pour l'éternité
Arrivé à Munich depuis quinze ou vingt jours
J'étais entré pour la première fois et par hasard
Dans ce cimetière presque désert
Et je claquais des dents
Devant toute cette bourgeoisie
Exposée et vêtue le mieux possible
En attendant la sépulture
Soudain
Rapide comme ma mémoire
Les yeux ses rallumèrent
De cellule vitrée en cellule vitrée
Le ciel se peupla d'une apocalypse
Vivace
Et la terra plate à l'infini
Comme avant Galilée
Se couvrit de mille mythologies immobiles
Un ange en diamant brisa toutes les vitrines
Et les morts m'accostèrent
Avec des mines de l'autre monde
Mais leur visage et leurs attitudes
Devinrent bientôt moins funbèbres
Le ciel et la terre perdirent
Leur aspect fantasmagorique
Les morts se réjouissaient
De voir leurs corps trépassés entre eux et la lumière
Ils riaient de voir leur ombre et l'observaient
Comme si véritablement
C'eût été leur vie passée
Alors je les dénombrai
Ils étaient quarante-neuf hommes
Femmes et enfants
Qui embellissaient à vue d'oeil
Et me regardaient maintenant
Avec tant de cordialité
Tant de tendresse même
Que les prenant en amitié
Tout à coup
Je les invitai à une promenade Loin des arcades de leur maison
Et tous bras dessus bras dessous
Fredonnant des airs militaires
Oui tous vos péchés sont absous
Nous quittâmes le cimetière
Nous traversâmes la ville
Et rencontrions souvent

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Guillaume Apollinaire

Poèmes divers

Les villes sont pleines d'amour et de douleur
Deux plantes dont la mort est la commune fleur

Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles
Et vomissaient le soir le soleil des journées
Les villes chaque nuit [ceignant] une auréole
Feignaient d'être soleil tant qu'il n'était point né

Villes chair de ma vie j'aime vos nuits solaires
J'ai promené mon cœur par vos soirs blancs et froids
Et libre jusqu'au jour j'ai foulé sans colère
Les ombres projetées par les statues des rois

Les meurt-de-faim les sans-le-sou voyaient la lune
Étalée dans le ciel comme un œuf sur le plat
Les becs de gaz pissaient leur flamme au clair de lune
Les croque-morts avec des bocks tintaient des glas

Ô maisons dans la nuit Ô lits pleins de râles
De la mort des amants du bonheur des époux
Punaise au ciel du lit simulant une étoile
Et la bête à deux dos qui se tâtait le pouls

Au clair nul des bougies tombaient vaille que vaille
Des faux cols sur des flots de jupes mal brossées
Des couples d'ombres célébraient leurs accordailles
À mes yeux de dehors dans les rez-de-chaussée

La ville aux feux de nuit semblait un archipel
Des femmes demandaient l'amour et la dulie
Mais à mes yeux de mâle horreur je me rappelle
Les passantes du soir n'étaient jamais jolies

Puis le jour revenait mais parfois sans soleil
Dresser les maisons côte à côte au bord des rues
Où s'égarent nos vies aux autres vies pareilles
Les vies traînant leur ombre en passant dans la rue

Intercalées dans l'an c'étaient des journées veuves
Les vendredis sanglants et lents d'enterrements
Des blancs et des tout noirs venus des cieux qui pleurent
Quand la femme du diable a battu son amant

Le jour s'arrondissait le bon Å“uvre de pierre
Les remparts entouraient les murs et les maisons
La gloire des statues les croix des cimetières
La rumeur des hommes en oraison

L'oraison innombrable de la vie qui se grise
Qui veut vivre et mourir dans l'amour et l'effroi

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La Lys

Lys tranquille, Lys douce et lente
Dont le vent berce, aux bords, les herbes et les plantes,
Vous entourez nos champs et nos hameaux, là-bas,
De mille et mille méandres,
Pour mieux tenir serrée, entre vos bras,
La Flandre.

Et vous allez et revenez,
Sans angoisse et sans marée,
Automne, hiver, été, printemps ;
Et vous avez toujours le temps,
Comme les gens de nos contrées.

Et votre cours s'en va vers les pauvres maisons
Et les hauts clochers blancs, dont les quatre abat-sons
Jettent vers le jour proche,
Chaque matin, la voix des cloches ;
Et les fermes et les jardins et les prés roux,
Dont vous baignez le bout,
Possèdent tous, pour venir jusqu'à vous,
Un escalier fait dans la terre ;
Et servantes et lavandières
En descendent les vacillants degrés de pierre,
Et l'on entend leurs voix chanter de clos en clos,
Et retentir, soudain, dans les hameaux,
L'écho,
Quand le bruit flasque et reversé de seaux
Tombe dans l'eau.

Sur vos digues, tranquillement, au pied des saules,
Un vieux pêcheur têtu maintient, droite, sa gaule,
Bâton d'ombre, fixe et mouvant, sur les flots clairs ;
Des canards blancs, au bec jaune et lustré, s'avancent,
Voguent et tout à coup happent les cressons verts
Qui décorent les bords sinueux de vos anses.

Et de rares chalands passent en vos lueurs,
De lents et lourds chalands traînés par les haleurs,
Dont la corde parfois à vos buissons s'accroche,
Tandis qu'au gouvernail, qu'il manoeuvre des reins,
Nonchalamment, la pipe aux dents, les mains en poches,
Le batelier s'appuie et fredonne un refrain.

Lys tranquille et familiale,
On vous adore au fond des bourgs et des hameaux ;
Vous reflétez leurs deuils et côtoyez leurs maux,
Tout comme, aux temps joyeux, vous mirez dans vos eaux
Les cortèges, les guirlandes et les drapeaux
Des kermesses paroissiales.

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La crypte

Égarons-nous, mon âme, en ces cryptes funestes,
Où la douleur, par des crimes, se définit,
Où chaque dalle, au long du mur, atteste
Qu'un meurtre noir, à toute éternité,
Est broyé là, sous du granit.

Des pleurs y tombent sur les morts ;
Des pleurs sur des corps morts
Et leurs remords,
Y tombent ;
Des coeurs ensanglantés d'amour
Se sont jadis aimés,
Se sont tués, quoique s'aimant toujours,
Et s'entendent, les nuits, et s'entendent, les jours,
Se taire ou s'appeler, parmi ces tombes.

Le vent qui passe et que l'ombre y respire,
Est moite et lourd et vieux de souvenirs ;
On l'écoute, le soir, l'haleine suspendue ;
Et l'on surprend des effluves voler
Et s'attirer et se frôler.

Oh ! ces caves de marbre en sculpture tordues.

La vie, au-delà de la mort encor vivante,
La vie approfondie en épouvante,
Perdure là, si fort,
Qu'on croit sentir, dans les murailles,
Avec de surhumains efforts,
Battre et s'exalter encor
Tous ces coeurs fous, tous ces coeurs morts,
Qui ont vaincu leurs funérailles.

Reposent là des maîtresses de rois
Dont le caprice et le délire
Ont fait se battre des empires ;
Des conquérants, dont les glaives d'effroi
Se brisèrent, entre des doigts de femme ;
Des poètes fervents et clairs
De leur ivresse et de leur flamme,
Qui périrent, en chantant l'air
Triste ou joyeux qu'aimait leur dame.

Voici les ravageurs et les ardents
Dont le baiser masquait le coup de dents ;
Les fous dont le vertige aimait l'abîme
Qui dépeçaient l'amour en y taillant un crime ;
Les violents et les vaincus du sort
Ivres de l'inconnu que leur offrait la mort ;
Enfin, les princesses, les reines,

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Verbatim Veracity Vision Voyage Visiting Verlaine's Virid Verses

Verbatim Veracity Vision Voyage Visiting Verlaine's Virid Verses


Key to my bliss, I’d kiss proud breasts and shapely hips,
Accept my heart so great which just for you does beat,
Refuse to [t]urn my fate with spurning fingertips
ENchanting nymph, fair Miss, receive gifts soft and sweet.

Know each day of the week there's only you to praise
As into April March stands herald to the Spring
Represent March Mars me, in you may April ph[r]ase
ENdearment, Venus speak, bestow heart, shared joy [b]ring.

Kismet come unto me as perfumed fresh, and soft,
All ready to caress from top to toe with skill
Redressing mast you bless between two hands, - aloft
Endowment’s flag flies free, responds as vessels fill.

Kiss met on your pert breast jerks, perks up, celebrates
As bow to complement your violin, in tune,
REsponds to siren song, which everywise soul sates
Now zephyr, tempest now, - all wavelength’s ‘neath Love's moon.

Knocked skittles by each kiss of unexpected power
Afford broadsword repose, whose heart is subjugate,
RElax not yet, fair rose, I'll rise again this hour,
Need no balm, Cialis, - your touch much more await.

Know, too, before fair friend we met life rhymed with blight,
A weary soul and sad had travelled lone, awry.
REgrets fast past, lets gad, you’re godsend, trip’s delight -
Nirvana, journey’s end, safe berth, rebirth, home dry.

King I and you my Queen, no jealousy unjust
All life shall heaven sent shine bright should life we share,
REveal accomplishment whose story spurns Death’s dust,
Nestled in peace serene, at ease beyond compare.

Knit close to you my fate is promised happiness
As in my hand your hand is touched by osmosis
REad oasis dreamland of infinite softness
Now we’ll anticipate voluptuous peace and bliss.

Knight fair though head in air, whose muse burns bright for you
Alwaits through night and day if so should be your choice,
REmains, soul clear, to play life's dreams at last come true.
No pair such fruits could share, should you lend me your voice…


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Vision Vérité Voyage Vers Vers Verts Verlaine

Vision Vérité Voyage Vers Vers Verts Verlaine

Voici vos fruits chou fleur aux seins ronds, aux belles hanches,
et voici mon grand coeur, qui ne bat que pour vous.
ne le déchirez pas avec vos mains si blanches,
Qu’à vos yeux bleus ces beaux cadeaux vous semblent doux !

Lundi au Vendredi, puis Samedi, Dimanche
dès ce jour du Printemps, Mars, Avril se confondent,
moi, Mars, je suis aussi, en vous Avril s’épanche, -
le karma réunit l’esprit clair, cœur profond.

Vous arrivez ouverte, encore parfumée,
prête à me caresser des pieds au cou dûment,
souffrez que ma fatigue entre vos mains dressée
répond aux doux instants qui la délasseront.

Vers votre jeune sein je viens faire la fête, -
l’archet dressé du corps à votre violon
s’accorde – un doux refrain pouvant à la tempête
virer pourtant portant l’amour vers l’ultra son.

Sonné par vos baisers – puissance insoupçonnée -
laissez moi m’apaiser après votre conquête.
Ne vous reposez pas, il faut encore oser
pour panser chaque plaie du Temps qui toujours guète!

Avant de rencontrer votre tendre reflet
mon âme voyageait trop triste et inquiète,
en vous se compléter – voyage terminé –
permet de se poser …ainsi prend fin ma quête.

Souhaitant vous chérir sans jamais renchérir
à travers arguments dictés par jalousie, -
et vous quel avenir voulez-vous voir venir
en prose, en vers rimants, où l’harmonie sourit?

Ensemble le destin au bonheur est promis,
ma main dans votre main, - l’osmose et le toucher, -
j’aspire aux lendemains aux douceurs infinies,
où tout respire enfin en calme et volupté.

Car votre beau de l’air exquis et si lyrique
ce soir et pour toujours - si vous le choisissez, -
pour un essor hors pair où tout est idyllique,
attend ma récompense – une réponse où les

vœux partagés seront couronnés de bonheur,

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Jeton KELMENDI – Biographie poésie

Traduit en français par Athanase Vantchev de Thracy Paris


Jeton KELMENDI – Biographie

Jeton Kelmendi est un auteur qui propose une poésie tri-dimensionnelle, couplant modernité et actualité, et qui la communique d’une manière à la fois originale et traditionnelle. Des critiques littéraires ont apprécié dans sa poésie un message au caractère claire, puissant et accompli.

Le langage de Kelmendi est personnel et s’offre naturellement au lecteur. Sa forme agréable et attractive tient significativement à ses concepts émouvants figuratifs en même temps que complexes. L’essence de sa poésie est une narration verticale et une sélection rigoureuse des sujets abordés, qui lui permettent des jeux d’espace et de temps.

Le poète albanais Jeton Kelmendi est né à Peja en 1978. Il a suivi sa scolarité, primaire et secondaire, dans sa ville natale, puis il a poursuivi des études supérieures à l’Université de Prishtina. Correspondant de plusieurs média albanais (en Albanie et au Kosovo) , il collabore avec encore d’autres au niveau international.

Kelmendi est un nom familier aux lecteurs kosovars de poésie, depuis 2000.
Il est également connu comme journaliste, spécialisé dans les domaines politique et culturel.

La poésie de Kelmendi a été traduite en plusieurs langues et figure dans de nombreuses anthologies. Membre de plusieurs associations internationales de poètes, il a été publié dans des revues culturelles, surtout en anglais.

Au centre de la pensée poétique de Kelmendi se trouvent la subtilité de l’expression et le soin accordé à la parole. Les thèmes dominants de ses écrits sont l’amour et les réalités crues de la situation politique, qu’imprègne souvent un sentiment de déception devant la conduite des affaires.

Il est un ancien combattant de l’UCK (Armée de Libération Kosovare) . Actuellement, membre de l’Association Européenne des Journalistes Professionnels, Kelmendi réside à Bruxelles.

Bibliographie
En albanais:
Le siècle de promesses - Shekulli i Premtimeve,1999 (poésie)
Au delà du silence - Përtej Heshtjes,2002 (poésie)
S’il est midi - Në qoftë mesditë,2004 (poésie)
Donnez-moi une patrie - Më fal pak Atdhe,2005 (poésie)
Où vont les avenirs - Ku shkojnë ardhjet,2007 (poésie)
Madame Parole - Zonja Fjalë 2007 (théâtre)

En roumain:

Si rares sont devenues les lettres - Ce mult s-au rãrit scrisorile 2007 (anthologie personnelle de poèmes)
Poesie

MADEMOISELLE PAROLE ET MONSIEUR PENSEE


1.

J’ai parlé d’une manière plutôt
Différente
Trop triomphante
Mademoiselle
J’espère que
Vous n’y voyez pas d’offense
Ce ne sont, après tout
Que des paroles d’un poète
Et vous savez qu’il est permis

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Victor Hugo

La Fée Et La Péri (The Fay And The Peri)

I

Enfants ! si vous mouriez, gardez bien qu'un esprit
De la route des cieux ne détourne votre âme !
Voici ce qu'autrefois un vieux sage m'apprit : -
Quelques démons, sauvés de l'éternelle flamme,
Rebelles moins pervers que l'Archange proscrit,
Sur la terre, où le feu, l'onde ou l'air les réclame,
Attendent, exilés, le jour de Jésus-Christ.
Il en est qui, bannis des célestes phalanges,
Ont de si douces voix qu'on les prend pour des anges.
Craignez-les : pour mille ans exclus du paradis,
Ils vous entraîneraient, enfants, au purgatoire ! -
Ne me demandez pas d'où me vient cette histoire;
Nos pères l'ont contée; et moi, je la redis.


II

LA PÉRI
Où vas-tu donc, jeune âme?... Écoute !
Mon palais pour toi veut s'ouvrir.
Suis-moi, des cieux quitte la route;
Hélas ! tu t'y perdrais sans doute,
Nouveau-né, qui viens de mourir !
Tu pourras jouer à toute heure
Dans mes beaux jardins aux fruits d'or;
Et de ma riante demeure
Tu verras ta mère qui pleure
Près de ton berceau, tiède encor.
Des Péris je suis la plus belle;
Mes sueurs règnent où naît le jour;
Je brille en leur troupe immortelle,
Comme entre les fleurs brille celle
Que l'on cueille en rêvant d'amour.
Mon front porte un turban de soie;
Mes bras de rubis sont couverts;
Quand mon vol ardent se déploie,
L'aile de pourpre qui tournoie
Roule trois yeux de flamme ouverts.
Plus blanc qu'une lointaine voile,
Mon corps n'en a point la pâleur;
En quelque lieu qu'il se dévoile,
Il l'éclaire comme une étoile,
Il l'embaume comme une fleur.


LA FÉE

Viens, bel enfant ! Je suis la Fée.

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